Jean-François Chaussepied - Un tablier, un chevalet, une Bible
« Combien de temps mettez-vous à peindre une toile ? » est
une question légère à laquelle Jean-François Chaussepied aime répondre avec
ironie : « Soixante-huit
ans ! ». Une vie, en somme. Un parcours que ce peintre de
renommée dévoile du bout du pinceau, portant un regard poète sur la nature,
l’existence et sa foi.
« Adossée à la colline… On y vient à pieds… On ne frappe
pas… ». Dans un petit coin de
verdure isolé et apaisant, la maison de la famille Chaussepied abrite des
histoires aux mille couleurs. Certaines sont celles de la joie, d’autres sont
plus noires, tourmentées. Et Jean-François, 68 ans, n’a de cesse de renvoyer
ces reflets sur la toile. « Joies, souffrances, questionnements…
tout ce qui jalonne la route », écrit-il. Au seuil de la porte de
son atelier percé de lumière naturelle, le père de famille,
vêtu d’un long tablier tâché, propose un accueil chaleureux. Là, une vague de
couleurs déferle sur les murs et sur un chevalet démesuré. Petits et très
grands formats, rouges vifs, bleus profonds ou simplement noir et
blanc, les travaux de ce professeur d’arts plastiques à la retraite sont l’expression
d’années de recherches et de passion pour le monde qui l’entoure. Sur un coin
d’établi, un détail : une Bible.
« Du bleu à gogo ! »
Jean-François Chaussepied a
étudié les Beaux-Arts à Quimper et à Brest. Élève d’un Le Merdy et d’un Béraud,
il aime observer les éléments et les retranscrire pour aller à l’essentiel. « À
l’époque, je peignais du figuratif, se souvient-il, le
regard toujours un peu rieur. En sortant des Beaux-Arts, j’ai tout de suite
peint du bleu à gogo ! Et ma peinture a évolué. J’aime aller au plus
simple, m’attarder sur une touche de lumière, un reflet dans la mer, une plaque
de couleurs dans un port... ». Le petits-fils d’architecte aux Monuments
de France suit cette fibre familiale et enseigne durant trente-huit ans au
Juvénat Notre-Dame de Châteaulin. Aux pieds de ce bâtiment, il construit une
famille. « C’est ici que j’ai perdu trois enfants, dans l’incendie de la
maison, évoque-t-il, ému. Et la foi m’a été d’un grand soutien. C’est
une chance que de pouvoir se tourner vers Dieu. » Retraité depuis
dix ans, ses deux enfants trentenaires faisant leur vie, il s’adonne plus que
jamais au plaisir de la peinture. « Ma femme plaisante en me comparant à
un ours. Je peins tous les après-midi dans cet atelier. Et vous savez,
rit-il encore, le temps ne compte pas quand on peint !».
« Seul face à ma peinture »
Il n’est pas possible de
dissocier le peintre de l’homme, de celui qui croit, celui dont la foi l’a
sauvé bien souvent. Si Jean-François Chaussepied parle peu, c’est peut-être
parce qu’il dévoile déjà tout sur le lin, pour lui, mais aussi pour un Dieu qui
l’accompagne toujours et qui lui permet de garder l’équilibre. « Mais
je suis un paroissien de base », précise-t-il humblement.
L’inspiration se trouve parfois dans une parole d’évangile, dans une réponse ou
un souvenir que lui auront fourni des mots. Alors il ne s’explique pas toujours
le sens ou le but de ses œuvres. Il invite chacun à se laisser toucher par ce
qui nous dépasse. Modeste, le peintre à succès, même demandé à Berlin, à
New-York ou en Chine, doute encore. « Non pas de mon travail mais de ce que
percevra le public. J’ai peur qu’il soit mal interprété, que le message ne passe
pas ou qu’il soit mal pris. Je suis seul face à ma peinture et lorsqu’un jour,
je l’expose, je ressens une certaine appréhension. » Généreusement,
le peintre a accepté de présenter son travail à l’abbaye de Landévennec. « J’ose espérer que mon
travail touchera et interpellera. » Puis il s’attarde soudain sur
une citation : « La beauté,
c’est l’oxygène dont notre âme a besoin».