Jean-Paul Thaéron - Il ose les formes et les métamorphose


Des oeuvres légères et imposantes, de l'angle à la rondeur, dans une recherche tenace de sens impulsée par des questionnements sur les origines du monde, l'humanité ou par son amour de la nature... La production artistique dense et obsessionnelle de Jean-Paul Thaéron est le travail d'une vie. Il ouvre les portes de son atelier et dévoile quelques toiles fraîchement "signées".

"... Et lorsque l'on me dit que je ne suis pas obligé de me donner tant de mal, cela me dérange ! Réaliser une œuvre implique des choix et mérite qu'on y consacre l'essentiel de sa vie". Jean-Paul Thaéron se plie à cette forme de fatalité, sans trop saisir l'origine de cet élan prolifique. "Enfant, j'aimais réaliser de petits bricolages... Mon entourage a su m'ouvrir au monde, à la culture... J'ai intégré une école d'art, obtenu mon diplôme en 1975 et je n'ai plus jamais arrêté. 'C'est comme une drogue' me disait un neveu".
Peintre et sculpteur à renommée internationale, le Concarnois d'origine est aussi un chercheur. En toute discrétion, dans une certaine forme de solitude, il pose continuellement les questions d'universalité, de primitivité et d'humanité. Son langage est celui du signe, rythmé et savamment coloré, peint ou sculpté frénétiquement depuis quarante ans. "J'aime ce rapport à la quantité, révèle-t-il, que l'on peut comparer à un flux, quelque chose en marche, un journal qui permet de se situer".

Couleurs du temps


Depuis près de 30 ans, l'artiste a élu domicile dans son atelier, construit dans la zone d'activités de Kerdioual, à Lanrivoaré. Ce loft industriel aux larges baies offrent au créateur la possibilité de vivre tout en dessinant, peignant ou sculptant. Il y entrepose des centaines d'œuvres parfois endormies, prêtes à retrouver les lumières d'une exposition ou réutilisées dans un nouveau projet. "Je travaille actuellement l'acier, en collaboration avec un artisan qui se base sur les modèles que je lui fournis… ". Ce métal rutilant a pour décor de fond de scène une série de toiles immenses aux couleurs minérales, frappées de signes indéfinissables, "un signe soustrait à la mort même. Un signe plein d'évidence. Un signe total qui retrace le destin de la vie" (Note de Jean-Paul Thaéron, pour l'exposition au Centre des Arts André Malraux de Douarnenez, en 2011).
Issu d'une famille de marins, le finistérien de 62 ans se laisse inspirer par les éléments naturels, par la mer, les métamorphoses de la nature et retranscrit ces émotions par une variation de teintes qu'il s'applique à étudier. "Je travaille beaucoup les jaunes, verts et bruns…, décrit le professeur de couleur/peinture à l'Eesab. J'utilise ce genre de déclinaisons chromatiques bien plus naturelles qu'à une époque". "Quadrille", de 1989, est notamment une de ces œuvres aux couleurs "pop" visible devant la gare de Brest.

Le sens du sacré

Sur un bureau, dans un canapé, Jean-Paul Thaéron laisse à portée de mains des dessins qu'il remplit au crayon de couleur vert ou bleu. "J'ai ce petit carnet rempli d'ébauches réalisées lors d'un voyage en train", montre-t-il, attentif au moindre déséquilibre qu'il pourrait ressentir dans ses tracés, prémices d'une œuvre colossale. Car Jean-Paul Thaéron est un explorateur. Intervenant au conservatoire des Arts et Métiers Multimédias de Bamako, il manie volontiers le métissage artistique en proposant des projets aux artisans maliens. Localement, il touche au sacré en acceptant de créer le mobilier liturgique à l'église du Juch. "En 2010, j'ai réalisé deux baies du transept de l'église Sainte-Thumette à Névez. Réaliser un ouvrage chrétien, sacré, m'a paru important. La dimension de ce travail est toute particulière. Je suis sensible à la verticalité, à l'élévation et au symbole de la trinité que l'on retrouve dans la tradition religieuse bretonne. En créant ces vitraux, l'enjeu était alors de tenir compte de l'existant sans désavouer mes choix".


Photo : Jean-Paul Thaéron, dans son atelier de Lanrivoaré.